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19 novembre 1898
Jean de Tinan. – Silhouette de souvenir
Pourquoi faut-il que non seulement nous avons à pleurer le subit départ de nos aînés, à saigner de la disparition de nos contemporains, mais encore à incliner nos regrets vers ceux qui poussaient à peine et que nous regardions grandir sur un fond d'espérance ? – Le pauvre Jean de Tinan s'en est allé, tout jeune et palpitant, emportant avec soi, comme eût dit Balzac, toutes ses illusions, s'envelissant, comme un roi d'Orient, avec les pierreries, les trésors, la fortune humaine que thésaurise la jeunesse. – Nous ne lirons plus dans le Mercure ses fantaisie capricantes sur les Cirques, Concerts et cabarets (1), ni ses livres ingénieux, alors qu'un peu hâtifs, où il exprimait en d'originales formules quelques unes de ses visions nouvelles de la génération en marche.
Je revois ce grand garçon, long, mince, au visage pâle, souriant d'une façon constante, mais d'un sourire accentué de mélancolie ; je le revois sous le feutre mou dont il ombrageait son chef avec ses beaux yeux noirs enquêteurs et inquiets devant lesquels, comme de funèbres papillons, devaient tournoyer des feuilles mortes, présage de ses brèves destinées !
Que de beaux titres de livres il nous ravit jalousement ! – Il avait le génie des titres étranges, amusants et non sans logique. Il montrait un dandysme très personnel : il eût créé un smart à part dans la littérature de demain.
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(1) La chronique que Tinan tint au Mercure s'intitulait « Cirques, cabarets, concerts ».
Il la tint pendant un an : de novembre 1897 jusqu'à sa mort, en novembre 1898.
Octave Uzanne, Visions de notre heure, H. Floury, 1899, p. 250-251.
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